De ma vie étudiante à ma vie d’orthophoniste: j’ai été interviewée

Cette semaine, j’avais plusieurs rendez-vous téléphoniques et Messenger programmés avec des candidates du concours d’orthophonie. Je réponds tous les jours avec grand plaisir aux messages privés sur Instagram et Facebook mais là c’était un peu plus particulier.

Ces demoiselles avaient chacune un projet de présentation du métier d’orthophoniste dans le cadre de leur cursus scolaire actuel. Je me suis rendu compte que les questions posées étaient souvent identiques entre les questionnaires et à celles qui me sont régulièrement posées en privé. Avec l’accord des étudiantes, j’ai décidé de vous partager nos entretiens.

 

Quel est ton parcours scolaire? As-tu fait une prépa? Combien de temps avant de décrocher un concours?

« J’ai suivi une filière scientifique spécialité SVT. J’ai préparé le concours dès l’obtention du BAC car mon choix professionnel était déjà déterminé. J’ai fait deux années de prépa privée: une première très complète et une deuxième plus light pour les profils « redoublants ». Je n’étais pas une bonne élève au lycée, on peut dire que j’accordais peu d’importance à ma scolarité et que j’avais un état d’esprit « hors des sentiers battus ». Et pourtant, cela ne m’a pas empêchée de décrocher le concours après 2 ans de préparation en restant focus sur mon objectif. Si cela peut en rassurer certains…Je suis la preuve que le bulletin de notes du lycée n’est en rien déterminant! »

 

Combien as-tu passé de concours? Dans quelle ville as-tu fait tes études? As-tu été satisfaite des cours et des stages en école?

« J’ai choisi de passer 8 concours chaque année en fonction des épreuves et de la localisation des écoles. J’ai adopté la stratégie de privilégier les concours avec beaucoup de français et d’épreuves rédactionnelles et d’éliminer au maximum les concours avec culture générale et tests psychotechniques. Cela m’a permis de concentrer mes révisions sur un minimum de matières. J’ai décroché 4 concours dont l’école de Paris qui était ma ville de prédilection.

A mon époque, les études duraient encore 4 ans et nous n’avions pas encore la reconnaissance Master. J’étais dans une grande promo de 130 étudiants et j’ai aimé cette ambiance « fac » avec des cours en amphi, des TDs en petits groupes et la possibilité de faire de nombreuses connaissances. Les cours m’ont plus ou moins plu. J’ai énormément aimé les matières scientifiques comme la neurologie, la neuropsychologie, l’audition, l’anatomie, etc. Et j’ai moins accroché avec d’autres cours comme la linguistique ou l’anglais. En revanche, les stages sont vraiment top, surtout à partir de la 3ème année car nos maîtres de stage commencent à nous responsabiliser et à nous permettre d’intervenir auprès des patients. En dernière année, j’ai fait un mémoire dans une Unité neuro vasculaire à l’hôpital, ce qui m’a permis d’intervenir auprès de patients dès le lendemain de leur AVC et j’ai énormément appris sur ma pratique professionnelle, le relationnel, les attitudes à adopter, etc. »

 

Travailles-tu en salariat ou en libéral? Quelles sont les raisons de ton choix?

« J’ai été diplômée en 2011 et j’ai décidé de ne faire que du libéral. J’ai débuté comme collaboratrice afin d’être épaulée dans mes débuts puis j’ai ouvert mon propre cabinet en association avec une autre orthophoniste. J’interviens aussi dans un ESAT auprès de patients handicapés (trisomie, déficiences intellectuelles, dysphasies lourdes, etc.) à titre libéral. J’ai adoré mes stages en service hospitalier car il y a un réel travail d’équipe et les patients ont généralement besoin d’une prise en charge intensive et rapide mais la rémunération proposée en salariat ne me permettait pas de vivre seule à Paris. Aujourd’hui, je pourrais envisager un mi-temps en salariat mais encore une fois, les charges qui incombent au cabinet sont très lourdes et il m’est préférable de travailler à temps plein au cabinet pour y subvenir. En tout cas, sachez que de nombreux orthos ont un temps plein ou un mi ou tiers temps salariat et s’en sortent très bien! Il y a de nombreux avantages comme les cotisations retraite, les congés payés, le congé maternité, les arrêts maladie. Nous n’avons pas tous ces avantages en libéral, donc même si nous gagnons plus, nous devons anticiper tout couac ou même simplement nos vacances car chaque jour non travaillé est un jour sans salaire. Tout ça pour dire que mon choix reste personnel et en rien le meilleur! »

 

Peut-on faire des formations complémentaires ou des spécialisations?

« Il n’y a pas de spécialisation à proprement parlé, tous les orthophonistes ont les mêmes compétences et les diplômes se valent. En revanche, il est possible de faire des formations complémentaires ou des DU (diplômes universitaires) en fonction de ses domaines de prédilection afin d’alimenter ses techniques de rééducation et de consolider et développer ses connaissances. Personnellement, je me forme chaque année en neurologie, logico-mathématiques et langage oral. »

 

En quelques mots, pourquoi as-tu choisi l’orthophonie?

« Je suis tombée amoureuse de ce métier alliant soin et langage. Restaurer la communication me semblait correspondre au mieux à ma personnalité. Je voulais que chacune de mes journées soit synonyme de rencontres et de mieux-être pour mes patients.

Dernièrement, une de mes patientes m’a dit: « J’aime vous retrouver chaque semaine en séances, c’est la première fois de ma vie que je fais quelque chose pour moi. »

Rien qu’à ces mots-là, je suis certaine de ne pas m’être trompée de voie. »

 

Selon toi, quelles sont les qualités essentielles pour devenir orthophoniste?

« Je ne souhaite pas être trop catégorique mais selon moi, pour devenir un bon orthophoniste, il faut initialement aimer et être acteur dans les relations humaines, être capable de trouver les mots adéquats pour rassurer mais aussi encourager et motiver, être patient bien évidemment et pourquoi pas créatif. »

 

Est-ce obligatoire de faire une prépa pour réussir le concours?

« Cette question déchaîne les foules donc je vais tenter d’apporter mon point de vue avec sincérité et bienveillance. L’obtention du concours l’année du BAC est de plus en plus rarissime. Pourquoi? Parce que les épreuves sont de plus en plus sélectives et que le nombre de candidats est en hausse constante. Donc se préparer est à mon sens inévitable. Le choix de la préparation, quant à elle, ne répond à aucune règle. En prépa privée, en parallèle d’un cursus universitaire, en parallèle d’un job ou tout simplement en solitaire avec un ordi et des bouquins, tous les profils sont représentés en école d’orthophonie. Le tout est de pouvoir consacrer assez de temps de travail à la préparation du concours et généralement pendant minimum 1 an. »

 

Comment gères-tu, psychologiquement, face aux personnes avec des pathologies lourdes comme les maladies dégénératives?

« J’essaye d’endosser mon rôle de soignante, je prends le temps d’expliquer au patient les conséquences de sa maladie, sans lui cacher ni minimiser sa plainte. En revanche, je mets le doigt sur le positif et je l’encourage à investir sa rééducation pour progresser ou du moins stabiliser ses capacités. Je tente de rester à l’écoute mais sans me projeter dans la situation du patient. Je ne vais pas vous le cacher, parfois c’est très difficile, les patients pleurent, se confient, expriment leur colère face à ce qui leur arrive mais c’est essentiel de garder une distance. Quand je rentre chez moi, je raconte ce qui me tient à cœur ou ce qui m’a touchée mais après je me concentre sur ma famille et je me plonge dans les activités que j’aime. D’ailleurs, mon blog me permet de garder toujours le positif de l’orthophonie en tête! »

 

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier?

« J’aime tout le matériel de rééducation dont je me sers au quotidien avec mes patients, que ce soient des jeux achetés ou de ma propre création. Mais je pense que ça se voit sur mon blog! ? »

 

Et au contraire, ce qui te plaît le moins?

« Je dirais la fatigue cognitive que je ressens en fin de journée. Je vois beaucoup de patients en une journée de travail (environ 15) et je suis généralement lessivée quand j’ai terminé. Je sens que j’ai beaucoup donné, parlé, expliqué, ré-expliqué, rebondi, corrigé… Mine de rien, c’est un sacré rythme, les patients défilent et il faut être au taquet pour chacun, c’est assez éreintant donc fin de journée, je n’ai plus de batterie! »

 

Est-ce que qu’on peut dire que ton métier répond à tes attentes?

« Ça ne fait aucun doute, je me sens à ma place et mes patients me le rendent bien. Souvent, nos patients sont fatigués des multiples prises en charge médicales et paramédicales. Mais je sens qu’avec nous c’est différent, on prend le temps, les séances ne sont pas expéditives, on trouve les mots justes pour amener le patient à comprendre ce qui lui arrive, on tisse un lien fort avec eux. Et on s’en rend d’autant plus compte quand il est venu le temps d’arrêter une prise en charge et que le patient refuse catégoriquement de nous quitter!

Une autre patiente m’a dit (et après j’arrête!): « J’aime bien venir vous voir, on est loin des piqûres et des médocs, l’orthophonie c’est vraiment du soin tout en douceur. »

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