Intégrer les parents en séance d’orthophonie. Comment sauter le pas?

Premier conseil que je peux vous donner : commencer avec des rééducations dans lesquelles vous êtes le plus à l’aise. Je me suis lancée avec les rééducations de déglutition atypique et d’articulation. Ce sont des rééducations très mécaniques, moins le risque de dire de bêtises et en plus qui nécessitent une reprise quotidienne à la maison. Je me suis rendu compte qu’en intégrant les parents à toutes les séances, les exercices étaient mieux réalisés, toujours faits à la maison, les conseils étaient mieux intégrés. C’est sûr que c’est toujours plus efficace d’expliquer pendant 30 minutes, de montrer, de faire faire aux parents, plutôt que de se le dire entre deux portes. J’ai ensuite étendu aux rééducations du langage oral en général.

Je ne sais pas vous mais à chaque fois que je reprends un suivi et que je demande aux parents ce qui était fait avec l’ancien orthophoniste, ils ne savent jamais me répondre. Et je trouve ça tellement dommage ! J’aime à croire que mes patients se sentent intégrés à la rééducation et que l’on travaille ensemble autour de LEURS objectifs thérapeutiques.
Dans l’idéal ça se passe comme ça mais en réalité j’ai aussi des loupés. Quand je sens qu’en présence des parents, l’enfant adopte un comportement immature ou de repli, je propose que 20 minutes de séances se fassent à deux et que les parents entrent pour les 10 dernières minutes afin de reprendre ce qui vient d’être fait et les objectifs à court terme.

Deuxième conseil : expliquez votre mode de fonctionnement au moment de la restitution du compte-rendu de bilan. Je leur dis que dans la mesure du possible, les séances se font avec l’un des parents (ou tuteurs légaux) afin de les rendre acteurs de la rééducation (si possible ne pas venir avec tous les autres frères et sœurs). Que mon travail de 30 minutes 2 fois par semaine n’est pas auto-suffisant et que je compte sur leur investissement pour que la rééducation soit efficiente et la moins longue possible.
J’ai aussi des parents qui sont plus récalcitrants : certains ne se lèvent pas quand je fais entrer l’enfant dans mon bureau, d’autres sont muets pendant la séance, parfois il arrive même que le parent se montre agressif, exprime son désarroi. Ça devient forcément plus difficile pour moi mais je trouve qu’il essentiel de désamorcer le truc au plus tôt en forçant la discussion. Cela évite que ça explose bien plus tard et bien plus fort. Les questions explosives, culpabilisatrices, qui souvent arrivent ni au bon moment ni au bon endroit du type « On en a encore pour longtemps ? », « J’ai l’impression que ça n’avance pas ! », « Quand est-ce que vous allez faire autre chose que jouer ? », je ne les entends quasiment plus. Tout simplement parce que le parent sait où on en est et si toutefois quelque chose le titille, il a toute l’opportunité de l’exprimer en séance.

Troisième conseil : pour me sentir plus à l’aise, j’ai fait une liste de conseils à apporter aux patients selon le type de rééducation. Ce sont des conseils que j’ai pu glaner sur les groupes facebook, les livres professionnels, sur les différents blogs orthos. J’ai inscrit ces listes sur mon One note afin de les avoir toujours sous le coude. Je ne donne pas aux patients la liste écrite mais de mon côté je relis et complète régulièrement mes listes afin que les mots me viennent plus facilement.

Quatrième conseil : n’hésitez pas à faire jouer le parent avec son enfant, parfois contre son enfant, à jouer en trio, en PACE. C’est aussi l’occasion d’observer comment le parent communique avec son enfant. De mon côté, je montre des techniques bienveillantes pour donner un bon modèle au patient. Je montre comment je fais et j’explique de suite aux parents pourquoi j’ai utilisé cette prosodie, ces termes, sans jamais leur dire qu’ils font mal. Juste en faisant ensemble !
C’est sûr que c’est un peu stressant, du moins ça l’était au début. Maintenant je suis bien plus à l’aise, les parents qui sont maintenant habitués viennent avec plus de questions à poser, les échanges sont riches. C’est aussi assez énergivore mais au final on est gagnant avec des rééducations plus dynamiques et des prises en soin qui s’éternisent moins sur les années.

N’hésitez pas à poster vos questions et témoignages d’expériences en commentaires. Je suis loin d’avoir fait le tour de la question !
Bon week-end les orthos !